Archives de catégorie : la chronique de Lionel

SOUS LE PONT DE L’ABIME (Histoire vécue)

Si il y a un endroit poissonneux en Haute Savoie, c’est bien le Chéran sous le pont de l’Abime. Pour accéder à cet endroit rapidement, il a deux chemins, le premier après le pont à droite en allant vers Cusy, le second que je préfère (plus de coups à prospecter) en descendant de Gruffy, avant le pont prendre le sentier 300m avant celui- ci, garer sa voiture à droite de la chaussée, sur la petite aire disponible entre la barrière de fer et le petit muret qui continue jusqu’au pont.

Un matin fin d’été, équipé de mon matériel de pêche à la mouche, je descends le sentier très escarpé, la rivière est à contre bas à 120m de dénivelé, 3 minutes peut être plus, je suis au bord de l’eau.

Le Chéran est à 10 mètres, la ramure m’empêche de le voir, soudain un cerf pas loin de moi, dérangé par mon arrivée traverse avec fracas le lit du torrent pour se réfugier sur la rive opposée, il fait beaucoup de bruit, il glisse sur les galets, tombe, se relève, au milieu d’éclaboussures d’eau, moi m’approchant du bord, je le regarde avec attention, c’est une belle bête de dix cors, pour le moment il est tellement affolé qu’il a de la peine à traverser la rivière, enfin il atteint la terre ferme et d’un bond disparait dans la frondaison. Et je me dis « il a cassé mes coups!!! »

J’attends assis sur un rocher une bonne quinzaines de minutes que le truites se calment, je regarde la rivière, supputant les coups, et scrutant d’éventuelles éclosions le temps légèrement nuageux devrait m’être favorable.

Pas d’éclosions, je décide de pêcher en noyée, je sais par expérience, qu’à cet endroit, la rivière bourrée de trichoptères surtout rhyacophila (1), les eaux étant pures, les grillets sont nombreux (2).

C’est la larve de rhyacophila que je choisis, une émergente qui peut ressembler à une perle , c’est une imitation de mon cru, encore dans son enveloppe nymphale, assez plombée, la mouche montée sur bas de ligne de 12/100, je vais pêcher plus bas, je lance mon imitation dans le petit courant alimentant une petite gouille derrière un gros rocher en variant les hauteurs, au troisième passage un bref arrêt un léger ferrage, la truite est accrochée, vite sortie, 30 cm ça commence bien!!!

Je remonte le cours, j’aperçois en haut le pont de l’Abime, je prends encore trois poissons, dont un de 37 cm pris avec la même imitation, dans un trou profond, comme je ne peux plus pêcher plus haut à cause de gorges infranchissables, je prends le chemin de retour.

Dans la montée j’aperçois sur le chemin l’orange d’une chanterelle, ce champignon savoureux apprécié de tous, en jetant un coup d’oeil, j’en découvre plusieurs autour, que je ramasse prestement, je continue ma montée.

A la voiture je range mon matériel dans le coffre, je place les champignons dans un sac, et je rentre à la maison.

Quelle leçon à tirer de cette partie de pêche? 4 truites pour un peu de peine!!! pêche raisonnable en soi, malgré la truite de 600 grammes, mais combien gratifiante, voir la nature à l’état brut, le cerf, la cueillette des chanterelles, c’est pas beau la pêche en Haute Savoie!!!

LIONEL ARNAUD

(1)Trichoptère sans enveloppe, très prisée par les truites.

(2) La larve du plécoptère ( perle) est imprenable par les truites, car elle se développe, bien enfouie sous les galets de la rivière. Elle est prise lors de son éclosion. surtout quand les femelles sont entrain de pondre.

LES PERLES

Appelé aussi mouche de pierre, de l’ordre des plécoptères, c’est l’insecte aquatique courant dans nos torrents de montagne. Les pêcheurs du coin au « coup » l’appellent grillet !!!.

Il faut dire aussi que cet insecte recherche plutôt les eaux pures comme habitat, c’est pourquoi au fil des années leur rareté se fait sentir à cause de la pollution!!!.

Mais il existe dans le Chéran des endroits privilégiés où cette espèce prolifère, c’est la vallée des cyclamens à l’aplomb du village d’Allève, en particulier sous le pont de l’abime!!!

Je ne vais pas parler de son état larvaire, qui dure 3 à 4 ans car il est impossible de servir de nourriture aux poissons, car très enfouis sous les galets.(1)

C’est pourquoi les truites s’en régalent lors d’une éclosion en état émergent et quand les femelles pondent.

Les éclosions se produisent assez tôt à la sortie de l’hiver, car l’insecte résiste bien aux froid, même par temps neigeux, la durée peut aller jusqu’à l’automne.

Les nymphes matures rampent hors de l’eau pour la dernière mue, afin de se libérer de l’exuvie sur support solide, par exemple un galet émergeant, ou en bordure de la rivière.

Après sa sortie de l’enveloppe nymphale, l’insecte étire ses ailes, et les dresse verticalement pour les sécher, ce processus dure quelques minutes à une demie heure,, les imagos ont une durée de vie moyenne de deux à cinq semaines.

L’accouplement a lieu sur un support solide, le plus souvent au bord de l’eau.

Comme la plupart des espèces, il s’écoule plusieurs jours entre l’accouplement et la ponte, la ponte c’est un largage d’une boule d’oeufs assez compact, avec un vol maladroit, la femelle pond en touchant parfois l’eau, c’est le moment ou les truites s’en repaissent, car très nourrissant par sa taille, et sa valeur nutritive.

Pour les mouches, privilégiez en sèche, les imitations de trichoptère(2) en poil de cervidés sur hameçons numéro 8-10 hampe mi- longue, la mouche Gary Lafontaine en émergente(3). En règle générale lorsque qu’il s’agit d’une éclosion un léger dragage serait approprié, pour une ponte une imitation flottant haut serait judicieuse.

(1)C’est pourquoi il n’existe pas d’imitations en état larvaire.

(2) Pour les thricoptères les ailes sont inclinées en forme de toit contrairement aux perles qui sont à plat.

(3) Mouche réputée outre-atlantique.

LIONEL ARNAUD

LA METHODE CHARLES RITZ

Rien de tel que la méthode de Charles Ritz, pour apprendre le « timing », c’est à dire la cadence pour les lancers de la pêche à la mouche.

Cette méthode est très efficace, même si c’est une méthode ancienne, elle est toujours d’actualité, car enseignée dans les écoles anglo-saxonnes. Nous l’utilisons chez nous avec succès, lors de nos cours de lancers.

Charles Ritz est le fondateur de cette chaine d’hôtels, qui porte son nom, mais c’était un fervent pêcheur à la mouche, il a particulièrement étudié la question. On lui doit le poser parachute.

Pour revenir à sa méthode, qui est une étape pour l’apprentissage des lancers, c’est celle que nous enseignons pour démarrer les débutants, leur apprendre le « timing »‘, c’est très simple. Le mouvement se fait toujours bras tendu. Premièrement: Bien d’aplomb sur les pieds en équerre, dévidez 4 à 6 mètres de soie, avec bas ligne très raccourci, un bout de coton en guise de mouche, la main gauche dans la poche, la canne dans le prolongement bras horizontalement. en tenant la soie de la main droite (1). Deuxièmement « Un » égrené par l’initiateur à haute voix, amenez la canne à 13 heures verticalement, dans un mouvement de balancier. Troisièmement: A ce moment l’initiateur, dit « deux », quand la soie est bien déroulée derrière, posez la soie dans le prolongement de la canne. Tout ça rythmé par le » un deux » de l’initiateur. C’est un mouvement où l’élève peut voir le résultat en arrêtant, soie déployée sur le sol devant lui. Lorsque le » timing » est parfait et régulier à chaque poser, c’est à dire que le bas de ligne et la soie sont tendus dans le prolongement de la canne, on peut rallonger la soie et recommencer. Ce procédé a l’avantage de laisser le débutant seul pour gérer et compter mentalement dans sa tête sa cadence.

Normalement au bout de 1 à 2 heures l’élève a trouvé le bon rythme, et on peut continuer la suite de la formation.

(1) La tenue de la poignée de la canne doit être traditionnelle, c’est à dire le pouce à un pouce du début de la la poignée en liège.

LIONEL ARNAUD

PÊCHE AU LAC D’ANTERNE (Histoire vécue)

Dans la semaine, Thierry un jeune de l’âge de mes enfants (22 ans) me téléphone « Lionel il faudrait faire le lac d’Anterne », il s’agissait dans son langage d’aller le pêcher, nous sortions souvent ensemble faire des parties de pêche.

Nous convenons de partir le vendredi après midi, bivouaquer sur place, et revenir le samedi après manger, pour ne pas manquer le vin d’honneur du mariage de Marc un jeune de notre village.

Au col d’Anterne, après une marche épuisante, ce vendredi fin d’après midi,le soleil est encore haut, c’est vrai que nous sommes au début septembre, je m’adresse à Thierry et à mon fils Philippe « pas trop crevé les jeunes? ça va » répondent ils en cœur, un dernier effort et nous sommes arrivés. Quelques lacets plus bas, nous dominons le lac, qui est un panorama unique!!!

Au bord de l’eau, je dresse la tente pour la nuit, les jeunes de leur coté, armés de lancer commencent à pêcher, car il règne une activité sur le lac que je n’ai pas remarqué au premier abord, trop absorbé par la préparation du bivouac.

Déjà des cris de surprise, les garçons viennent de prendre des truites, 30 cm les deux.

En hâte j’aménage un vivier dans un ruisseau descendant des névés juste au dessus, à l’aide de pierres, je confectionne un bassin de 2 mètre carré, et nos pêcheurs déposent leurs prises( à cette époque le no- kill nous été inconnu).

Je monte en vitesse ma canne à mouche, et je fixe sur mon bas de ligne une araignée noire, imitant au mieux les chironomes que je vois éclore sur le lac par milliers, une altière sur hameçon numéro 16 fera l’affaire, pas d’embarras pour pêcher, des gobages partout, sitôt lancée mon imitation est prise, sitôt le poisson est mis dans le vivier.

Maintenant les prises se succèdent à une bonne cadence, je dis à Thierry et à Philippe d’arrêter de pêcher, car il commence à faire nuit, et dans le bassin je compte une vingtaine de truites biens vigoureuses qui tournent en rond dans une eau glaciale.

Installés dans la tente nous absorbons une soupe, qui nous réchauffe du froid qui s’installe, nous mangeons le reste du repas que j’ai préparé, Thierry me dit, curieux nous pêchons les gobages à la cuillère et les truites mordent!!!… nous nous installons dans nos sacs de couchage et nous nous endormons.

Après avoir bien souffert du froid pendant la nuit, surtout Thierry qui n’a pas voulu se déshabiller pour dormir (à ne pas faire), le matin le café bu accompagné de tartines de beurre et confiture, nous reprenons la pêche sur une herbe blanche de gel, un coup d’oeil au vivier, rien d’ anormal, les truites sont bien vivantes calées sur les bords.

Nous continuons à pêcher, beaucoup de gobages, moi je ne bouge pas de ma place, les garçons préfèrent pêcher plus loin, nous prenons beaucoup de truites. Il commence à arriver les premiers randonneurs annoncés par les cris stridents des marmottes, je prends encore quelques truites devant un parterre de curieux ébaubis d’un tel spectacle.

Je commence à préparer le repas de midi, les jeunes continuent de pêcher, quand le repas est prêt, ils l’ engloutissent en vitesse pour retourner pêcher, quant à moi je commence à plier le matériel, je les appelle pour qu’ils rangent leur sac, je sors de mon sac trois petits draps que je dispose sur l’herbe à coté du vivier, et je prends les truites vivantes dans le bassin une par une je les tue, les éviscère, les nettoie et les enveloppe dans les linges prévus à cet effet, le tout réparti dans les sacs à dos.

Nous sommes prêt pour le départ, nous partons allègrement direction le col d’Anterne. Sur les hauteurs surplombant le lac, on regarde une dernière fois le lac, c’est un véritable bouillonnement qui l’anime, toujours les éclosions et les truites en activité pour s’en nourrir.

Le col franchi nous descendons rapidement à la cantine de Moede où nous buvons rapidement une bière, et nous retrouvons la voiture plus bas vers les chalets d’Ahiers.

A la maison nous déballons de nos sacs chacun notre tour notre pêche sur une table dehors, bientôt la table est recouverte de poissons, l’un de nous les compte, bilan 57 truites de 28 à 32 cm.

Pêche miraculeuse dans un lac à 2060 mètres d’altitude, nous sommes tombés au bon moment. C’est vrai que cela s’est passé en 1981.

LIONEL ARNAUD

Pêcher juste, pêcher faux…

On dit que lors de grandes éclosions dans le jargon du « moucheur », pêcher juste , c’est la bonne mouche qui est proposée aux poissons lorsqu’ils sont entrain de se nourrir , on dit aussi, leur proposer le menu du jour !!!.

Il est certain que dans la plupart des cas ça marche!!! Mais que ça déplaise aux puristes, ce n’est pas toujours vrai, le poisson peut se payer un « extra » !!! en pêchant faux, je m’explique, si l’artificielle proposée, est plus tentante, même si l’imitation n’est pas l’éclosion du moment, elle est prise sans chipotage, nous avons pêcher faux, mais pris du poisson!!!.

En règle générale, il vaut mieux proposer au poisson le menu du jour , qui est à mon avis plus logique.

Je me rappelle d’une partie de pêche à la mouche sur le Chéran, lors d’une éclosion sur la rivière, je pêchais avec une mouche de mon cru, et à chaque lancer, je ramenais une belle truite qui prenait franchement, et que je relâchais immédiatement, Je m’appliquais dans mes lancers, car au bord de la rivière, il y avait un spectateur qui me regardait avec attention. c’était un vieux « moucheur » vu son attirail de pêche. Il me dit  » bravo , c’est une réussite, avec quelle mouche?…

M’approchant vers lui, je montre mon artificielle, il prend un air scandalisé en me disant avec véhémence, mais vous pêchez faux!!! je réponds elle me prend du poisson, c’est le principal!! et il ajoute ce n’est pas le jeu !!!,

Après quelques conseils sur ma position dans l’eau par rapport aux éclosions, il me quitte, pour aller pêcher plus bas. Moi je n’ai pas pipé un mot, j’apprends!!! et j’ai continué à lancer en changeant de place, avec la même mouche.

LIONEL ARNAUD