Nous sommes fin août, cette après midi je suis dans le jardin en train de biner mes salades, quand soudain un insecte se pose sur ma joue, machinalement du plat de ma main, en le roulant, je le saisis entre le pouce et l’index, c’est une fourmi ailée bien dodue, je la regarde attentivement car dans ma panoplie de mouches je tente d’imiter le mieux possible les insectes terrestres. Pour un pêcheur à la mouche fouettée la fourmi ailée est l’imitation indispensable à avoir dans sa boite, car les éclosions s’échelonnent en crescendo de juillet à septembre.
Cette fourmi ailée est très facile à imiter, munie de 6 pattes comme la plupart des insectes, le corps à l’arrière bien renflé suivi d’un étranglement, ensuite d’un thorax , d’où partent 2 ailes blanches à plat, une tête plus grosse que le thorax, le tout de couleur brun, les femelles sont là pour concevoir une autre fourmilière comme une reine des abeilles, dorlotée et nourrie avec soin par les ouvrières. Sa constitution lui permet de pondre des milliers d’œufs, si c’est un mâle il mourra après l’accouplement avec la reine, c’est pourquoi que les truites en raffolent, car beaucoup dérivent par millier au fil de l’eau les ailes abimées.
En regardant autour de moi, je m’aperçois que c’est un nuage de fourmis qui, maintenant obscurcit le potager poussé par le vent léger venant d’une prairie voisine, j’en ai plein les cheveux.
Aussitôt, je mets mon matériel de pêche à la mouche dans le coffre de ma voiture, j’enfile mes cuissards, j’avertis ma femme que je pars à la pêche, et en peu de temps je me retrouve au pont de Brogny, je gare ma voiture sur le petit parking au dessus de la rivière, je descends rapidement le petit sentier menant au Fier en secouant les branches sur mon passage, quelques minutes après je suis à pied d’œuvre sous les ruines de l’ancien pont parallèle en contre bas du nouveau.
Cet endroit je le connais bien, pour l’avoir pratiqué souvent, je sais par expérience, que lors d’éclosions de fourmis, les truites se trouvent à l’affût sous la voûte de verdure.
Dans ma descente, en secouant les branches, je voulais m’assurer de la présence de fourmis ailées dans le secteur, l’envolée de quelques dizaines de ces dernières me rassurent sur la succès de ma partie de pêche.
Bien installé dans le lit du torrent je guette les premiers signes du festin qui attend les truites, normalement elles doivent se manifester sous peu car je devine, dans les frondaisons, une légère animation, les prairies et les jardins au dessus sont pourvoyeurs de cette manne de nourriture.
Tout à coup un petit gobage imperceptible qui ne m’échappe pas. Après quelques « fouettages » je lance ma mouche contre le pilier du vieux pont, celle-ci retombe comme un insecte chutant des branches du dessus, je ne vois pas mon imitation de fourmi car elle flotte dans la pellicule de l’eau mais le petit entonnoir m’indique la prise de mon imitation je ferre avec discrétion, je ramène en vitesse ma belle fario dans mon épuisette, 28 cm beau poisson bien gras.
Je pêche encore une demie heure, je prends encore 2 truites dans les mêmes conditions, je change d’endroit, en remontant le cours d’eau pour me mettre sur la petite plage déserte juste en face d’un rocher entouré de buisson(le plongeoir de la baignade) là un beau gobage dans le courant, un lancer de revers en amont sur la gauche, pour une bonne présentation de ma fourmi, celle-ci arrive au bon endroit, je vois distinctement la mémère monter et ouvrir sa bouche pour avaler mon imitation, je ferre doucement, elle est accrochée, je tente de ne pas perdre le contact ce qui n’est pas facile, mon monstre sûr de lui dévale dans le courant en dévidant ma soie juste au backing, en essayant de la retenir de ma main gauche elle casse mon bas de ligne.
A la maison je me console de mon échec sur ma grosse truite, mon 12/100 n’a pas résisté aux 2 kilos de mon monstre, aidé en plus par le courant extrêmement fort à cet endroit.
Une leçon à tirer de cette partie de pêche, il faut être vigilant l’été lors des éclosions des fourmis (Hyménoptères) voir les signes avant coureurs de ce phénomène pour profiter d’une bonne partie de pêche.
Lionel Arnaud