Dans les Alpes, l’eau qui sort des glaciers, stérile au début, court sur un lit de rochers et de cailloux de l’altitude de 2800 à 2500 mètres. Ses galets roulés présentent les premiers signe de vie: c’est la couverture biologique des galets. Cette pellicule glissante, de couleur brunâtre, les recouvre sur la face supérieure exposée au soleil. Les pêcheurs la connaissent bien,
cette couche glissante et gluante, ce n’est pas la pollution mais est cause de chutes désagréables et de bain froid.
Cette pellicule est vivante et il est facile de s’en rendre compte. Rayez-la avec l’ongle jusqu’à voir apparaitre la couleur claire du caillou, entourée de brun de la pellicule et replacez le caillou dans l’eau. Au bout de quelques jours, la pellicule s’est reformée! la plaie s’est cicatrisée! le trait n’est plus visible, la couche gluante est donc bien vivante!!!
Elle est constituée d’algues brunes et notamment de diatomées et de nombreuses autres espèces qui se développent sous l’action de la lumière solaire. D’ailleurs, la face inférieure des cailloux, non exposée au soleil, ne porte pas de couche biologique, mais conserve la couleur plus claire de la roche.
Cette couverture biologique est une véritable prairie où pâturent de nombreux micro-organismes, des larves d’insectes, de vers, des petits mollusques y trouvent abri et nourriture.
Cette vie animale commence vers 1800- 2000 mètres, avec apparition dans la couverture biologique d’insectes primitifs, pas suffisants pour nourrir la truite. Plus bas vers 1000 mètres où commence la zone à truite, le fond est constitué de blocs et de cailloux grossiers, le gravier se rencontrant dans les parties plates du cours d’eau, plus on perd de l’altitude, plus la nourriture est abondante. Surtout des larves aquatiques circulant sur les galets, bien adaptées à la résistance des courants impétueux des torrents, citons, rhitrogena, heptagenia, baetis et ecdyonurus et bien d’autres, appelées pataches par les pêcheurs du cru. Il s’agit de larves très aplaties avec pattes crochues, circulant complètement collées aux cailloux. Il y en a de nombreuses espèces, qui subsistent assez bas dans la vallée, et qui lorsqu’elles éclosent, donnent les fameuses mouches que recherchent les truites.
D’autres espèces résistent aux courants violents grâce à une autre technique: les larves de diptères du type moustique, qui vivent, en colonie à la surface des galets, ayant à l’anus une forte ventouse qui les colle sur le fond. Plus bas encore, il y a les éphémères qui, à l’éclosion, donnent les fameuses mouches de mai, dont la larve est dénommée petite bête par les pêcheurs de perches du lac d’Annecy , Il y a également des larves rampant sur les galets, la plus grosse larve est celle de la perla abdominale qui atteint 3 à 4 centimètres de long, que je citerai plus bas dans ma chronique.
Autres genres d’insectes particulièrement recherchés par la truite, les plécoptères (perles) et les trichoptères dont la larve est entourée d’un fourreau, d’autres dans la même catégorie n ‘ont pas d’enveloppe comme la rhyacophila: Certains cours d’eau en sont particulièrement riches c’est un signe de bonne santé de l’eau.
A coté des larves d’insectes on peut voir dans les torrents de petits crustacés, petites crevettes d’eau ou gammares.
Un ver aquatique, le lombric tétraède qui vit sous les cailloux immergés est très recherché par la truite qui se régale aussi des vers de terre entrainés dans l’eau par de fortes pluies.
Voilà la nourriture naturelle de la truite à laquelle s’ajoute la nourriture des insectes terrestres, sauterelles, grillons, papillons, chenilles etc… ceux-là ne restent pas longtemps à barboter à la surface de l’eau et un poisson vient vite régler leur sort. Grande carnassière, notre fario, ne dédaigne pas les vairons, le chabot ennemi héréditaire(1) et sa propre progéniture.
(1) Le chabot est un grand consommateur d’oeufs de truites, et la truite lors du frai, le surveille particulièrement.
LIONEL ARNAUD